Hommage d'André Malraux à Jean Moulin pour le transfert de ses cendres au Panthéon, le 19 décembre 1964.
Note : Le mercredi 10 décembre 2014, MER – Mémoire et Espoirs de la Résistance, en partenariat avec le Musée du Général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris / Musée Jean Moulin organisait une rencontre autour de l’hommage d’André Malraux à Jean Moulin.
Avec l’autorisation des auteurs, nous vous proposons :
Vous pouvez l'écouter ci-dessus ou le lire ci-dessous
Monsieur le président de la République,
Voilà donc plus de vingt ans que Jean Moulin partit, par un temps de décembre sans doute semblable à celui-ci, pour être parachuté sur la terre de Provence, et devenir le chef d'un peuple de la nuit. Sans la cérémonie d'aujourd'hui, combien d'enfants de France sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis, sont nés seize millions d'enfants...
Puissent les commémorations des deux guerres s'achever par la résurrection du peuple d'ombres que cet homme anima, qu'il symbolise, et qu'il fait entrer ici comme une humble garde solennelle autour de son corps de mort. Après vingt ans, la Résistance est devenue un monde de limbes où la légende se mêle à l'organisation. Le sentiment profond, organique, millénaire, qui a pris depuis son accent de légende, voici comment je l'ai rencontré. Dans un village de Corrèze, les Allemands avaient tué des combattants du maquis, et donné ordre au maire de les faire enterrer en secret, à l'aube. Il est d'usage, dans cette région, que chaque femme assiste aux obsèques de tout mort de son village en se tenant sur la tombe de sa propre famille. Nul ne connaissait ces morts, qui étaient des Alsaciens. Quand ils atteignirent le cimetière, portés par nos paysans sous la garde menaçante des mitraillettes allemandes, la nuit qui se retirait comme la mer laissa paraître les femmes noires de Corrèze, immobiles du haut en bas de la montagne, et attendant en silence, chacune sur la tombe des siens, l'ensevelissement des morts français.
Comment organiser cette fraternité pour en faire un combat ? On sait ce que Jean Moulin pensait de la Résistance, au moment où il partit pour Londres : " Il serait fou et criminel de ne pas utiliser, en cas d'action alliée sur le continent, ces troupes prêtes aux sacrifices les plus grands, éparses et anarchiques aujourd'hui, mais pouvant constituer demain une armée cohérente de parachutistes déjà en place, connaissant les lieux, ayant choisi leur adversaire et déterminé leur objectif. " C'était bien l'opinion du général de Gaulle. Néanmoins, lorsque, le 1 janvier 1942, Jean Moulin fut parachuté en France, la Résistance n'était encore qu'un désordre de courage : une presse clandestine, une source d'informations, une conspiration pour rassembler ces troupes qui n'existaient pas encore. Or, ces informations étaient destinées à tel ou tel allié, ces troupes se lèveraient lorsque les Alliés débarqueraient. Certes, les résistants étaient des combattants fidèles aux Alliés. Mais ils voulaient cesser d'être des Français résistants, et devenir la Résistance française.
C'est pourquoi Jean Moulin est allé à Londres. Pas seulement parce que s'y trouvaient des combattants français (qui eussent pu n'être qu'une légion), pas seulement parce qu'une partie de l'empire avait rallié la France libre. S'il venait demander au général de Gaulle de l'argent et des armes, il venait aussi lui demander " une approbation morale, des liaisons fréquentes, rapides et sûres avec lui ". Le Général assumait alors le Non du premier jour ; le maintien du combat, quel qu'en fût le lieu, quelle qu'en fût la forme ; enfin, le destin de la France. La force des appels de juin 40 tenait moins aux " forces immenses qui n'avaient pas encore donné ", qu'à : " Il faut que la France soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. " La France, et non telle légion de combattants français. C'était par la France libre que les résistants de Bir Hakeim se conjuguaient, formaient une France combattante restée au combat. Chaque groupe de résistants pouvait se légitimer par l'allié qui l'armait et le soutenait, voire par son seul courage ; le général de Gaulle seul pouvait appeler les mouvements de Résistance à l'union entre eux et avec tous les autres combats, car c'était à travers lui seul que la France livrait un seul combat. C'est pourquoi - même lorsque le président Roosevelt croira assister à une rivalité de généraux ou de partis - l'armée d'Afrique, depuis la Provence jusqu'aux Vosges, combattra au nom du gaullisme comme feront les troupes du Parti communiste. C'est pourquoi Jean Moulin avait emporté, dans le double fond d'une boîte d'allumettes, la microphoto du très simple ordre suivant : « M. Moulin a pour mission de réaliser, dans la zone non directement occupée de la métropole, l'unité d'action de tous les éléments qui résistent à l'ennemi et à ses collaborateurs. » Inépuisablement, il montre aux chefs des groupements le danger qu'entraîne le déchirement de la Résistance entre des tuteurs différents. Chaque événement capital - entrée en guerre de la Russie, puis des États-Unis, débarquement en Afrique du Nord - renforce sa position. A partir du débarquement, il apparaît que la France va redevenir un théâtre d'opérations. Mais la presse clandestine, les renseignements (même enrichis par l'action du noyautage des administrations publiques) sont à l'échelle de l'Occupation, non de la guerre. Si la Résistance sait qu'elle ne délivrera pas la France sans les Alliés, elle n'ignore plus l'aide militaire que son unité pourrait leur apporter. Elle a peu à peu appris que s'il est relativement facile de faire sauter un pont, il n'est pas moins facile de le réparer ; alors que s'il est facile à la Résistance de faire sauter deux cents ponts, il est difficile aux Allemands de les réparer à la fois. En un mot, elle sait qu'une aide efficace aux armées de débarquement est inséparable d'un plan d'ensemble. Il faut que sur toutes les routes, sur toutes les voies ferrées de France, les combattants clandestins désorganisent méthodiquement la concentration des divisions cuirassées allemandes. Et un tel plan d'ensemble ne peut être conçu, et exécuté, que par l'unité de la Résistance.
C'est à quoi Jean Moulin s'emploie jour après jour, peine après peine, un mouvement de Résistance après l'autre : " Et maintenant, essayons de calmer les colères d'en face... " Il y a, inévitablement, des problèmes de personnes ; et bien davantage, la misère de la France combattante, l'exaspérante certitude pour chaque maquis ou chaque groupe franc, d'être spolié au bénéfice d'un autre maquis ou d'un autre groupe, qu'indignent, au même moment, les mêmes illusions... Qui donc sait encore ce qu'il fallut d'acharnement pour parler le même langage à des instituteurs radicaux ou réactionnaires, des officiers réactionnaires ou libéraux, des trotskistes ou communistes retour de Moscou, tous promis à la même délivrance ou à la même prison ; ce qu'il fallut de rigueur à un ami de la République espagnole, à un ancien " préfet de gauche ", chassé par Vichy, pour exiger d'accueillir dans le combat commun tels rescapés de la Cagoule !
Jean Moulin n'a nul besoin d'une gloire usurpée : ce n'est pas lui qui a créé Combat, Libération, Franc-tireur, c'est Frenay, d'Astier, Jean-Pierre Lévy. Ce n'est pas lui qui a créé les nombreux mouvements de la zone Nord dont l'histoire recueillera tous les noms. Ce n'est pas lui qui a fait les régiments mais c'est lui qui a fait l'armée. Il a été le Carnot de la Résistance.
Attribuer peu d'importance aux opinions dites politiques, lorsque la nation est en péril de mort - la nation, non pas un nationalisme alors écrasé sous les chars hitlériens, mais la donnée invincible et mystérieuse qui allait emplir le siècle ; penser qu'elle dominerait bientôt les doctrines totalitaires dont retentissait l'Europe ; voir dans l'unité de la Résistance le moyen capital du combat pour l'unité de la nation, c'était peut-être affirmer ce qu'on a, depuis, appelé le gaullisme. C'était certainement proclamer la survie de la France.
En février, ce laïc passionné avait établi sa liaison par radio avec Londres, dans le grenier d'un presbytère. En avril, le Service d'information et de propagande, puis le Comité général d'études étaient formés ; en septembre, le noyautage des administrations publiques. Enfin, le général de Gaulle décidait la création d'un Comité de coordination que présiderait Jean Moulin, assisté du chef de l'Armée secrète unifiée. La préhistoire avait pris fin. Coordonnateur de la Résistance en zone Sud, Jean Moulin en devenait le chef. En janvier 1943, le Comité directeur des Mouvements unis de la Résistance (ce que, jusqu'à la Libération, nous appellerions les Murs) était créé sous sa présidence. En février, il repartait pour Londres avec le général Delestraint, chef de l'Armée secrète, et Jacques Dalsace. De ce séjour, le témoignage le plus émouvant a été donné par le colonel Passy. " Je revois Moulin, blême, saisi par l'émotion qui nous étreignait tous, se tenant à quelques pas devant le Général et celui-ci disant, presque à voix basse : " Mettez-vous au garde-à-vous ", puis : " Nous vous reconnaissons comme notre compagnon, pour la libération de la France, dans l'honneur et par la victoire ". Et pendant que de Gaulle lui donnait l'accolade, une larme, lourde de reconnaissance, de fierté, et de farouche volonté, coulait doucement le long de la joue pâle de notre camarade Moulin. Comme il avait la tête levée, nous pouvions voir encore, au travers de sa gorge, les traces du coup de rasoir qu'il s'était donné, en 1940, pour éviter de céder sous les tortures de l'ennemi. " Les tortures de l'ennemi... En mars, chargé de constituer et de présider le Conseil national de la Résistance, Jean Moulin monte dans l'avion qui va le parachuter au nord de Roanne.
Ce Conseil national de la Résistance, qui groupe les mouvements, les partis et les syndicats de toute la France, c'est l'unité précairement conquise, mais aussi la certitude qu'au jour du débarquement, l'armée en haillons de la Résistance attendra les divisions blindées de la Libération.
Jean Moulin en retrouve les membres, qu'il rassemblera si difficilement. Il retrouve aussi une Résistance tragiquement transformée. Jusque-là, elle avait combattu comme une armée, en face de la victoire, de la mort ou de la captivité. Elle commence à découvrir l'univers concentrationnaire, la certitude de la torture. C'est alors qu'elle commence à combattre en face de l'enfer. Ayant reçu un rapport sur les camps de concentration, il dit à son agent de liaison, Suzette Olivier : " J'espère qu'ils nous fusillerons avant. " Ils ne devaient pas avoir besoin de le fusiller.
La Résistance grandit, les réfractaires du travail obligatoire vont bientôt emplir nos maquis ; la Gestapo grandit aussi, la Milice est partout. C'est le temps où, dans la campagne, nous interrogeons les aboiements des chiens au fond de la nuit ; le temps où les parachutes multicolores, chargés d'armes et de cigarettes, tombent du ciel dans la lueur des feux des clairières ou des causses ; le temps des caves, et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d'enfants... La grande lutte des ténèbres a commencé.
Le 27 mai 1943, a lieu à Paris, rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance.
Jean Moulin rappelle les buts de la France libre : " Faire la guerre ; rendre la parole au peuple français ; rétablir les libertés républicaines dans un État d'où la justice sociale ne sera pas exclue et qui aura le sens de la grandeur ; travailler avec les Alliés à l'établissement d'une collaboration internationale réelle sur le plan économique et social, dans un monde où la France aura regagné son prestige. "
Puis il donne lecture d'un message du général de Gaulle, qui fixe pour premier but au premier Conseil de la Résistance, le maintien de l'unité de cette Résistance qu'il représente.
Au péril quotidien de la vie de chacun de ses membres. Le 9 juin, le général Delestraint, chef de l'Armée secrète enfin unifiée, est pris à Paris.
Aucun successeur ne s'impose. Ce qui est fréquent dans la clandestinité : Jean Moulin aura dit maintes fois avant l'arrivée de Serreules : " Si j'étais pris, je n'aurais pas même eu le temps de mettre un adjoint au courant... " Il veut donc désigner ce successeur avec l'accord des mouvements, notamment de ceux de la zone Sud. Il rencontrera leurs délégués le 21, à Caluire.
Ils l'y attendent, en effet.
La Gestapo aussi.
La trahison joue son rôle - et le destin, qui veut qu'aux trois quarts d'heure de retard de Jean Moulin, presque toujours ponctuel, corresponde un long retard de la police allemande. Assez vite, celle-ci apprend qu'elle tient le chef de la Résistance.
En vain. Le jour où, au fort Montluc à Lyon, après l'avoir fait torturer, l'agent de la Gestapo lui tend de quoi écrire puisqu'il ne peut plus parler, Jean Moulin dessine la caricature de son bourreau. Pour la terrible suite, écoutons seulement les mots si simples de sa soeur : " Son rôle est joué, et son calvaire commence. Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous. "
Comprenons bien que, pendant les quelques jours où il pourrait encore parler ou écrire, le destin de la Résistance est suspendu au courage de cet homme. Comme le dit Mme Moulin, il savait tout.
Georges Bidault prendra sa succession. Mais voici la victoire de ce silence atrocement payé : le destin bascule. Chef de la Résistance martyrisé dans des caves hideuses, regarde de tes yeux disparus toutes ces femmes noires qui veillent nos compagnons : elles portent le deuil de la France, et le tien. Regarde glisser sous les chênes nains du Quercy, avec un drapeau fait de mousselines nouées, les maquis que la Gestapo ne trouvera jamais parce qu'elle ne croit qu'aux grands arbres. Regarde le prisonnier qui entre dans une villa luxueuse et se demande pourquoi on lui donne une salle de bains - il n'a pas encore entendu parler de la baignoire. Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures.
Voici le fracas des chars allemands qui remontent vers la Normandie à travers les longues plaintes des bestiaux réveillés : grâce à toi, les chars n'arriveront pas à temps. Et quand la trouée des Alliés commence, regarde, préfet, surgir dans toutes les villes de France les commissaires de la République - sauf lorsqu'on les a tués. Tu as envié, comme nous, les clochards épiques de Leclerc : regarde, combattant, tes clochards sortir à quatre pattes de leurs maquis de chênes, et arrêter avec leurs mains paysannes formées aux bazookas l'une des premières divisions cuirassées de l'empire hitlérien, la division Das Reich.
Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique et les combats d'Alsace, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit... Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais : " Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi. "
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Rundstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Écoute aujourd'hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France...
André Malraux, le 19 décembre 1964.
Hommage à Jean Moulin prononcé par M. Paul Bernard à la préfecture de l’Hérault à Montpellier, le 21 Juin 2013.
Entretien radio avec M. Paul Bernard, préfet de région honoraire,
Président d’Honneur de l’Association du Corps préfectoral, Vice-Président de l’Institut français des Sciences administratives.
Animé par M. Jean-Marie Rouvier et diffusé en avril 2009 par RCF Maguelone Hérault dans le cadre de l'émission "Gens Illustres de chez nous : Jean Moulin".
Reproduit avec l'aimable autorisation de M. Paul Bernard, M. Jean-Marie Rouvier et RCF Maguelone Hérault
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Nous sommes heureux de partager un moment de grâce républicaine, qui a du prix aujourd’hui dans un monde de bruit et d’inquiétude, pour méditer quelques instants à la mémoire de Jean Moulin.
Le lieu qui nous réunit est propice à notre réflexion : la préfecture, maison de l’État et de la République, au cœur de la place des Martyrs de la Résistance, dans le souvenir de l’hôtel du Ganges qui fut la résidence de l’Intendant, ancêtre du préfet et chargé sous la Monarchie de veiller à l’unité du pays et au bien commun des Français.
Par-delà nos différences de générations, de professions, d’engagements, nous représentons une image vivante de la France d’aujourd’hui.
Je remercie mon collègue et ami, le préfet de région Pierre de Bousquet de Florian, de m’avoir confié l’honneur redoutable de rendre hommage à Jean Moulin. Ma satisfaction est très grande car j’ai eu la chance tout au long de ma carrière préfectorale de mettre mes pas dans ceux de notre grand Ancien. En effet j’ai retrouvé sa trace et son souvenir à Albertville lors des Jeux Olympiques d’Hiver, à la préfecture de l’Aveyron à Rodez, à la préfecture de région Centre à Orléans proche de Chartres, à la préfecture de la région Rhône-Alpes à Lyon, capitale de la Résistance, où j’ai pu dialoguer avec Raymond Aubrac ainsi qu’avec le docteur Dugoujon, devenu conseiller général, et dont le cabinet médical avait accueilli Jean Moulin et ses amis le jour de l’arrestation à Caluire. Enfin, comme président de l’Association du Corps Préfectoral, j’avais eu l’honneur à Paris en 1993 de ranimer la flamme sur la tombe du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe de l’Etoile, pour le 50e anniversaire de la disparition de notre héros, en présence de nombreux collègues préfets et sous-préfets.
On ne peut s’approcher qu’avec une infinie humilité et une démarche respectueuse, du monument d’un tel Chevalier de la République. André Malraux a brillamment retracé l’épopée tragique de ce grand résistant accueilli au Panthéon le 19 décembre 1964. Très modestement je voudrais appeler notre attention sur l’enseignement de cette vie incomparable et exemplaire. Pour les Montpelliérains que nous sommes, notre devoir n’est-il pas de retrouver sur un pilier des arceaux au Peyrou la photo légendaire de Jean Moulin, qui n’a pas d’âge et continue de briller comme une étoile d’espérance dans notre ciel. Nous pouvons tenter de saisir dans son regard lumineux, reflet d’une âme ardente, les messages d’actualité qu’il nous transmet, pour nous aider aujourd’hui à comprendre la vie et, non pas à nous indigner banalement, mais à avoir le courage de dire non à ce qui est inacceptable pour la moralité publique, pour la dignité de l’homme et pour l’intérêt de la France.
En tant qu’homme, Jean Moulin aimait la vie. Il était fait pour la joie de vivre. Il n’avait pas la vocation de la souffrance et du martyre, seul l’appel des circonstances a fait surgir son âme de héros tragique.
Tout jeune garçon de Béziers, il était plein d’énergie, rieur, intelligent et dissipé ; comme étudiant à la Faculté de Droit à Montpellier il aimait la fête ; caricaturiste de talent, il avait une âme d’artiste ; épris de sport, séducteur et sensible aux charmes de la vie sentimentale, il était animé d’une passion du cœur pour sa famille, ses amis, et particulièrement sa mère et sa sœur.
En dépit des incertitudes de l’entre-deux-guerres, contrairement à notre goût pour le malaise dépressif, il faisait confiance à l’avenir et savait saisir l’esprit de la jeunesse pour construire son bonheur.
L’homme de l’État illustre la vertu du service pour un idéal qui grandit l’homme au-dessus de lui-même. Tout au long de son parcours préfectoral il n’a pas recherché la réussite professionnelle, loin des courtisaneries et des affamés de profits personnels, mais il a assumé le sort que la nation lui destinait. Il a suivi les étapes normales qui l’ont conduit du cabinet du préfet de l’Hérault, au cabinet du préfet de la Savoie, ensuite à la sous-préfecture d’Albertville comme le plus jeune sous-préfet de France, ensuite dans le Finistère à Châteaulin, secrétaire général de la Somme à Amiens, il a été le plus jeune préfet nommé dans l’Aveyron à Rodez , d’où il rejoindra le terme de son parcours à la préfecture d’Eure-et-Loir à Chartres, à la veille du déclenchement de la deuxième guerre mondiale.
Par son comportement, il a su donner un visage humain à l’administration et il s’est attiré les compliments des élus qu’il côtoyait. Dans la Somme, on a apprécié « sa civilité, son sourire, sa simplicité ». Un notable breton l’a jugé « très ancré dans ses convictions de républicain et trop intelligent pour être sectaire ». Paul Ramadier, parlementaire aveyronnais, reconnaissait que « l’administration était pour lui un gouvernement des hommes qui cherchait toujours le chemin de la raison et le chemin du cœur ».
Il nous laisse le message de la noblesse du serviteur de la nation, qui ne cherche pas le pouvoir à prendre mais cultive l’idéal du service à rendre.
Cet état d’esprit de détachement de tout intérêt personnel l’animera jusqu’au dernier moment. À Lyon alors que son secrétaire Daniel Cordier exprime le souhait qu’il puisse être chef du gouvernement à la Libération, Jean Moulin répond, avec un regard amusé et spontanément : « Après la Libération, je me consacrerai à la peinture. Vous oubliez que je suis peintre. » Quel beau témoignage de désintéressement personnel, une fois la rude mission accomplie !
À Chartres, face à la barbarie, il proclame la vertu de l’honneur. Refusant la compromission, il choisit de dire non, face à l’autorité militaire allemande, qu’il accueille à la porte de la préfecture, debout et en uniforme de préfet, seul car tous les responsables ont fui la ville. Il n’accepte pas de signer une proclamation odieuse et raciste qui déshonore l’armée française et nos soldats africains. Il choisit d’en subir les conséquences : il est battu et jeté dans une cellule. Redoutant sa propre faiblesse (« je sais qu’aujourd’hui je suis allé jusqu’à la limite de la résistance. Je sais aussi que demain, si cela recommence, je finirai par signer. Tout plutôt que cela, tout, même la mort ». Il préfère se trancher la gorge. Le matin la sentinelle est horrifiée de voir cet homme qui le regarde, debout, l’uniforme couvert de sang, un trou béant à la gorge.
Son attitude est faite de sérénité et de droiture, lui qui n’était pas prédestiné au malheur. Dans cet esprit il écrit à sa mère : « je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger ».
Il accepte alors le sort du rebelle. Révoqué par le gouvernement de Vichy, il fait ses adieux aux maires d’Eure-et-Loir dans une lettre émouvante : « Après 23 années passées au service de la République, je pars sans amertume, conscient d’avoir rempli ma tâche sans défaillance. Je n’oublie pas tout ce que je dois aux maires de ce département qui m’avez honoré de votre confiance et qui en toutes circonstances avez été mes plus fidèles soutiens. Vous permettrez que ma dernière pensée soit pour vous exprimer ma profonde reconnaissance et pour vous dire aussi ma foi immuable dans les destinées de la France. » Ainsi Jean Moulin rappelle la force de l’axe républicain qui unit par tous les temps, surtout les pires, les maires et le préfet.
La leçon de Chartres nous rappelle qu’aujourd’hui encore on peut redouter la barbarie qui menace notre société républicaine. Jean Moulin nous fait prendre conscience qu’il existe dans l’homme des réserves insoupçonnées d’une force invincible qui le dresse face aux circonstances du malheur.
À Lyon, dans la clandestinité et pourchassé par le danger de tous les instants, comme délégué du général de Gaulle chargé d’unifier les mouvements de Résistance, il va pendant trois ans illustrer la vertu du devoir et mener le combat pour l’unité nationale. À Londres oû il a rejoint le chef de la France libre, celui-ci l’a choisi parce qu’il était préfet, donc chargé par vocation de rassembler et de réconcilier les Français. Lorsqu’on faisait état du risque d’un engagement partisan, il suffisait à de Gaulle de demander : « Est-il national ? ».
Dans sa mission de fédérateur des multiples et différents mouvements de résistance il a eu à souffrir des querelles françaises, des partis politiques, des ambitions de pouvoir et des jalousies personnelles. Il exprime ainsi sa douloureuse déception, quelques jours avant son arrestation : « les Français ne changeront jamais ! Même dans les situations désespérées, ils sont incapables de s’unir. Et les mouvements se comportent comme si nous avions déjà gagné pour établir leur pouvoir. »
Il a payé cher le prix de cette lutte fratricide. Face à l’ennemi étranger, il va subir de la part de certains amis la trahison qui le conduira au martyre. Les divisions intérieures ont toujours menacé l’intérêt national.
Mais il ira au bout de sa difficile mission en présidant le premier Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943 dans un appartement à Paris et en faisant adopter le programme d’une exaltante ambition nationale, annonçant les grandes réformes de la démocratie, de la sécurité sociale, de l’instruction, des retraites, et prescrivant que « la mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la nation que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité. »
Quelle troublante actualité et quelle leçon pour notre génération ! Non pas des discours, mais un programme ! Un mois après, Jean Moulin était arrêté à Caluire, le 21 juin 1943. Il y a aujourd’hui 70 ans.
Après l’ombre de la clandestinité, voici venue pour Jean Moulin la nuit glorieuse du martyre et le devoir courageux du silence, ce qui est une autre façon de briller devant le tribunal de l’Histoire.
Emprisonné à Lyon, torturé à mort par l’ignoble et monstrueux Barbie, défiguré et détruit, il est transféré à Paris, puis en Allemagne et il meurt lors de son transport en gare de Metz le 8 juillet 1943.Il avait 44 ans.
Oui, Albert Camus a raison : « Il ne faut croire qu’aux témoins qui acceptent de se faire tuer ». Les Commissaires de la République de 1944, dont Raymond Aubrac, arrêté avec Jean Moulin, ont suivi l’exemple du héros de la Résistance. De nos jours, en 1998, notre collègue Claude Érignac, préfet de région de Corse, a pris place dans la noble lignée des martyrs de la République.
La France est toujours confrontée à l’épreuve de la survie, de la division et de la perte de l’idéal. Toute désespérance doit être exclue car toute crise fait surgir les meilleurs de nos concitoyens. C’est la jeunesse, à laquelle André Malraux s’est adressé, qui attend un message de la République pour poursuivre sa quête d’idéal.
Sur le plateau aveyronnais de l’Aubrac, en pleine bourrasque de l’hiver, des pierres plantées rassuraient et guidaient le pèlerin voyageur égaré dans la tempête. Dans notre monde, privé de repères et tourmenté, sachons découvrir les grands témoins de l’Espérance, qui nous redonnent l’envie d’aimer la France et de la servir !
Bernard « Benjamin » Bermond, un Résistant intrépide,
à l’origine de la création du Mémorial.
Né le 3 mars 1921 à Istanbul (Turquie), résidant au Havre à la déclaration de la guerre, B.Bermond s'engage pour la durée de celle-ci. Puis il quitte Le Havre, se retrouve à Morlaix, et ensuite à Brest, où il cherche à rejoindre l'Angleterre. Mais, les troupes ennemies arrivant, il revient au Havre. Au début de 1941, il fait partie du groupe de résistance Andréani, dont la mission était de faire évader vers Paris des prisonniers français retenus au Havre. A la suite de quoi, contraint de quitter Le Havre, il s'installe à Marseille en janvier 1942.
Après avoir été obligé de fréquenter les « Chantiers de la jeunesse » du maréchal Pétain, il rejoint la Corse en novembre de la même année, et intègre en février 1943 le réseau R2/Corse, aux côtés de M. Panicali et de Joseph de Rocca-Serra, qui deviendra par la suite son radio.
Arrêté par la police italienne le 15 juin 1943 à Bonifacio, il est incarcéré à la citadelle de la ville, mais libéré au bout de deux mois. Et il va participer à la libération de l'île et, notamment, à la bataille de Levie. Pris dans une embuscade, il sauve d'une mort certaine deux résistants, les frères Grimaud, ainsi que Jérôme Filippi.
Après la libération de la Corse, Bernard Bermond rejoint Alger, s'engage dans l'Armée française, et est détaché auprès de l'O.S.S. (Office of Strategic Services, services secrets américains), qui cherchait des volontaires pour être parachutés en France. A l'issue d'un stage d’entraînement complet de trois mois, il est nommé Chef de mission. Mais n'ayant pas pu être parachuté sur le continent à cause d'un vent violent, il embarque à Bastia avec Dominique Borghi sur une vedette italienne conduite par un officier anglais, qui les conduit sur la côte varoise, non loin de Ramatuelle, à la Pointe de Capon, au Cap du Pinet. Et c’est le 28 décembre 1943 qu’ils débarquent, à quelques mètres de l'ennemi.
Cette première mission consistait à créer un réseau implanté de Monte-Carlo au Vaucluse, en passant par Salon-de-Provence (à cause de la présence de la Base aérienne) et surtout, de fournir des renseignements sur les dispositifs militaires mis en place par l'ennemi.
Une fois la mission achevée, et avec succès, il tente de rejoindre Alger via l'Espagne. Mais, après un accrochage avec les Allemands, il ne peut - moindre mal - que se constituer prisonnier des Espagnols à Llivia (enclave espagnole en territoire français). Avec lui, Borghi et un ingénieur de Sud Aviation, Chantesais, qu'il avait pour mission de ramener à Alger. Transférés à Puigcerdá par les carabiniers espagnols dans une camionnette, cachés dans des sacs de pomme de terre, les prisonniers se voient, en raison d’un contrôle allemand, pris en charge par la police, cette fois. Sachant qu'ils seraient entièrement déshabillés pour une fouille complète, Bernard Bermond avait eu la présence d’esprit de souiller son slip, après avoir caché dans la ceinture élastique les microfilms qu’il convoyait. Ce stratagème devait porter ses fruits puisque les policiers espagnols n’insistèrent pas et lui ordonnèrent de se rhabiller. Il sauvait ainsi des documents d'une importance stratégique. D’autant que, détenu à la prison de Puigcerdá, il réussit ensuite à convaincre son geôlier de transmettre au consulat américain de Barcelone les fameux microfilms, le gardien parvenant de son côté à convaincre un de ses amis agriculteurs, qui se rendait tous les mercredis avec ses légumes à Barcelone, de transporter les documents, cachés dans un des cageots. Pour permettre à l'agriculteur de se faire connaître des Américains, Bernard Bermond lui avait confié une bague de reconnaissance qu'Alger lui avait remise. C’est ainsi que le paysan put remettre les documents en de bonnes mains et, en même temps, faire connaître la détention de Bernard Bermond.
Et finalement, après des semaines de détention dans les prisons de Puigcerdá, Barcelone, Saragosse et au camp de Miranda del Ebro, et grâce à l’intervention du consulat américain informé par l’agriculteur, Bernard Bermond fut libéré au début du mois de mars 1944. Après quoi, il put rejoindre, par avion spécial, Alger, via Gibraltar et Casablanca. Arrivé dans les locaux de l'O.S.S., non seulement on le félicita mais il eut de plus l'agréable surprise de voir tous ses documents, agrandis, suspendus aux murs d’une pièce entière.
Il n’apprit que par la suite que sa tête avait été mise à prix, ainsi que celle de Borghi. Malgré cela, il lui est demandé de revenir en France, accompagné de son ami de Rocca-Serra, qui, entretemps, avait passé avec succès le stage « radio ».
Et le voici parachuté pour une deuxième mission en France, le 24 mai 1944, en qualité de chef de Réseau. Non sans mal : une première tentative de parachutage est annulée à cause du mistral, la seconde, à cause du sabotage de l'avion au décollage et la troisième, pour cause d’atterrissage en catastrophe à Bastia, après des tirs de DCA qui touchent deux des quatre moteurs de l’avion. La quatrième tentative fut la bonne !
Parachutés au «Vallon de l'Homme mort», près de La Bouilladisse (Bouches-du-Rhône), Bernard et son compagnon arrivent à Belcodène et se cachent dans le cabanon appartenant à de Rocca-Serra. Lors de la même opération de parachutage, un container sur deux avait été perdu et, découvert par des gendarmes français, il fut remis à la police allemande, laquelle décida bien sûr d’un ratissage de toute la région…
Pourtant, B. Bermond réussit à rejoindre Marseille pour y retrouver l'équipe du réseau qu’il avait précédemment mis en place, dont son « garde du corps », « Mancini ». Son radio, de Rocca-Serra, débordé par les messages à transmettre à Alger, fut contraint de demander un renfort radio à Alger. L’état-major lui envoya un nommé « Marc ». Après confirmation d’Alger, rendez-vous fut pris le 12 juin 1944 à 18 heures au bar Berlioz (rue Berlioz), à Marseille. Marc y arrive avec un nommé Pavia. Quelques minutes après, c’est la Gestapo qui fait irruption dans le bar et procède à l'arrestation de toutes les personnes présentes, Bermond, bien sûr, mais aussi de Rocca-Serra et Mancini…
Bernard Bermond est emmené dans les locaux de la Gestapo, 425 rue Paradis, et torturé plusieurs jours durant. A l’occasion d’une alerte aérienne, les prisonniers sont mis à l’abri dans une cave. Bernard y retrouve ses camarades, sauf « Marc » et Pavia. La trahison était signée…
Quelques jours après, on introduit dans la cellule un prêtre, l'abbé Choquet. C’est grâce à lui que Bermond réussit - ce qui était considéré comme « mission impossible » - une spectaculaire évasion. Du siège même de la Gestapo ! Ce qui, plus tard, lui valut d’être décoré de la Légion d'Honneur. Et cette évasion permit de dénoncer aux services d'Alger la trahison de Marc et d'arrêter, à la Libération, dix complices de Pavia travaillant pour la Gestapo, dont plusieurs, y compris Pavia, furent condamnés à mort.
Dernière précision : le réseau FYR de B. Bermond, unité combattante du 28/12/43 au 30/09/44, comptait 144 membres, partagé en trois groupes : « Frascati », « Yves » et Riand ».
Félicité par Bill Clinton
En 1994, à l'occasion d'une cérémonie à Nice, pour le 50ème anniversaire du Débarquement en Provence, Bill Clinton, alors président des Etats-Unis, fit remettre à Bernard Bermond une lettre de félicitations, en reconnaissance des renseignements fournis à l'époque, lettre remise par le général américain Quinn, adjoint du général Patch, et en présence du chef de B. Bermond à l’O.S.S., le colonel Hyde. Les renseignements réunis par B. Bermond avaient permis aux troupes alliées de modifier et sécuriser leur dispositif de débarquement.
Après la guerre, Bernard Bermond va prendre une part de plus en plus active dans la vie municipale. Adjoint au maire de Salon-de-Provence pendant vingt-quatre ans, il a également été conseiller régional, et durant tout ce temps, toujours très actif au sein du monde combattant.
Elu président de la section départementale des Forces Françaises Combattantes en l961, constamment réélu ensuite, il a été, avec toute une équipe et Laure Moulin, à l'origine de l'édification du Mémorial Jean-Moulin à Salon-de-Provence. Président du Comité régional du Mémorial dès 1964, il mène le projet à son terme, fort de l'amitié et du soutien inconditionnel de Laure Moulin, la soeur du héros. De même, le projet aura bénéficié d'une caution morale sans égale, puisque le général De Gaulle acceptera, fait unique, la présidence d'honneur du Comité et accordera au projet son Haut Patronage.
Le 28 septembre 1969, en présence des plus hautes autorités civiles et militaires françaises et étrangères, Jacques Chaban-Delmas, alors Premier ministre, inaugure officiellement le Mémorial Jean-Moulin, monument considéré, grâce à la sculpture magistrale de Marcel Courbier, comme l’un des plus imposants de tous ceux érigés à la mémoire du courageux préfet de Chartres, délégué du chef de la France Libre, chargé de l'unification de toute la Résistance française, et qui fut le premier à présider le Conseil National de la Résistance, sa création, le 27 mai 1943.
Bernard Bermond est mort le mercredi 30 juillet 2008, à Marseille. Ses obsèques se sont déroulées à Salon-de-Provence, en présence d’une foule d'amis, d’anciens résistants et d’anciens combattants venus de tous les départements et de la capitale, ainsi que de très nombreux porte-drapeaux. Un dernier hommage lui a été rendu le lundi 4 août 2008, en l'église Saint-Laurent de Salon. Les plus hautes autorités du département étaient représentées, ainsi que la Fondation de la Résistance, en la personne de son vice-président Pierre Morel - également président du Comité d’Action de la Résistance -, François-René Cristiani-Fassin, président délégué du Comité régional du Mémorial Jean-Moulin, et Jules Sébastianelli, vice-président, M. le député Kert et Monsieur le maire de Salon-de- Provence.
Bernard Bermond est Commandeur de la Légion d'honneur, Commandeur de l'Ordre national du Mérite, Croix de guerre 39/45 avec citation à l'ordre de l'Armée, Médaille de la Résistance avec rosette, Médaille des Evadés avec Croix de guerre et Croix du Combattant Volontaire.
Toute sa vie, Pierre Morel, Résistant de la première heure, a été un indigné fier de l’être et engagé pour le respect de « la vérité factuelle » au sein du Comité d’Action de la Résistance où il s’est investi depuis 1948 avant d’en devenir le président.
Oraison funèbre prononcée par Serge BARCELLINI,
Président général du Souvenir Français, le lundi 11 janvier 2021 aux Invalides.
Pierre, je me permettrais aujourd’hui de te tutoyer ainsi que je le faisais depuis toujours.
Pierre, laisse-moi te dire combien nous t’admirons.
Nous t’admirons pour ton formidable engagement dans la Résistance.
En 1941, tu avais 18 ans lorsque tu as ton premier contact avec un réseau à Clermont-Ferrand. Tu dessines des « V » et des croix de Lorraine sur les murs de la ville et tu distribues les premiers tracts de la Résistance.
Natif de Saint-Aubin-du-Cormier en Ille-et-Vilaine, tu as suivi ton père affecté dans cette ville en 1939.
1941, c’est année de toutes les victoires des dictatures. La France est alors en plein désastre. Elle est à moitié occupée. Elle est ruinée. Elle entretient une armée d’occupation. On commence à avoir faim, à avoir froid.
1941, c’est l’année où il fallait un exceptionnel courage et une formidable capacité d’engagement et d’anticipation pour rejoindre ces premiers réseaux de résistants encore si peu coordonnés et encore si fragiles.
De retour en Bretagne, tu intègres le lycée de Rennes pour l’année scolaire 1941-1942 avant de faire ton entrée à la faculté des Sciences de cette même ville.
En novembre 1941, tu rejoins le réseau Overcloud fondé par Joël Le Tac, au sein duquel tu contribues à la recherche de terrains de parachutage et à la formation de groupes dans ta région de naissance.
Le 5 février 1942, Joël Le Tac est arrêté avec les membres de sa famille. Le réseau est désorganisé par les arrestations !
Au début de l’année 1943, tu rejoins le réseau de renseignements MARATHON dirigé par Yves Mindren qui couvre l’ensemble du département. Au sein d’un groupe d’une vingtaine d’agents, tu es chargé d’obtenir des renseignements sur l’implantation des forces allemandes en Bretagne.
Le 9 juillet 1943, Yves Mindren est arrêté par la Gestapo. Tu rentres alors en contact avec un officier du SOE (Special Operations Executive) qui est chargé d’organiser un réseau d’action en Bretagne, cet officier c’est François Vallée, compagnon de la Libération. A ses côtés, tu intègres le réseau OSCAR-PARSON dont tu seras le liquidateur après-guerre. Au sein de ce réseau, tu prends en charge la formation de groupes locaux. Le 1er novembre 1943, tu es nommé responsable des départements des Côtes-du-Nord et d’Ille-et-Vilaine – tu as 20 ans ! 27 jours plus tard, plusieurs membres de ta famille sont arrêtés. Tous appartenaient à la résistance.
Ton père est déporté le 2 août 1944, ta mère est incarcérée à la prison de Rennes, ton frère Claude est déporté le 28 juin 1944. Tu te replies alors dans le Morbihan où tu tentes par deux fois de gagner l’Angleterre. Le 13 janvier, tu es localisé par la Gestapo. Tu rejoins alors Paris avec pour objectif de gagner Londres par l’Espagne. Afin de préparer ce projet, tu convoies des aviateurs américains de Paris à Lannemezan.
En mars, tu es contraint de renoncer au passage des Pyrénées en raison de graves blessures aux pieds dues au gel et à la neige. Te voilà de retour à Paris où tu organises une filière d’évasion pour les aviateurs britanniques et américains par la voie maritime entre Lannion et l’Angleterre. La Gestapo est sur tes traces.
En avril 1944, tu échappes de peu à une arrestation. Tu gagnes les Pyrénées que tu franchis. Après avoir été incarcéré dans les prisons franquistes, notamment à Lerida, comme ton frère d’armes René Joffrès, centenaire qui ne peut être là aujourd’hui, tu arrives à Madrid le 1er juillet, à Gibraltar le 8 et enfin en Angleterre le 11 juillet 1944.
Après trois jours d’interrogatoire et un stage de parachutisme, tu es de retour en France à la mi-novembre où tu rejoins la Première Armée du général de Lattre en Alsace avant de terminer la guerre dans la poche de Saint-Nazaire, le dernier territoire français à être libéré.
Le 7 août 1945, tu es démobilisé.
Quel extraordinaire engagement que le tien,
Quels risques encourus,
Quelle formidable volonté,
Quelle passion de la France,
Pierre, nous t’admirons.
Mais, alors que tant d’autres résistants remiseront leurs souvenirs, Pierre, tu refuseras de considérer que ton combat s’était achevé le 8 mai 1945.
Ton engagement dans la Résistance est celui d’une vie.
Pour toi, la Résistance ne se réduit pas à un moment de notre histoire nationale, à un moment de ta vie, elle est bien plus que cela, elle est le fondement moral et éthique de ton existence.
Et c’est pour cela aussi Pierre que nous t’admirons.
Nous t’admirons pour ton formidable engagement dans la vie associative de la Résistance.
En 1948, tu obtiens ton diplôme de chirurgien-dentiste, puis de docteur en 1952. Ta carrière passe d’abord par l’exercice libéral au sein de ton cabinet avant d’avoir des charges plus lourdes au sein de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. C’est à ce titre que tu effectues une importante mission au Liban en 1974. En 1987, tu cesses tes activités professionnelles pour t’investir encore davantage dans la vie associative, dans laquelle tu t’es impliqué dès les lendemains de la guerre. Dans les premières années de l’après-guerre, le grand combat des associations de résistance est celui de l’attribution de la carte de Combattant Volontaire de la Résistance, la carte CVR. De grandes associations se mobilisent dans ce combat. Tel n’est pas ton choix.
En 1948 est créée une association atypique – le Comité d’Action de la Résistance. Cette structure ne se présente ni comme une fédération, ni comme une confédération. C’est un regroupement d’associations et d’amicales des anciens des réseaux et des mouvements de résistance. C’est une structure pour les combats du temps présent. Celui de l’exaltation de l’esprit de la Résistance, celui de l’hommage aux résistants morts pour la France, celui du maintien des idéaux de la Résistance, celui de la solidarité mais aussi celui de la lutte contre les survivances du nazisme et du vichysme. C’est la grande association qui porte les valeurs de la Résistance et qui croit en l’espérance née dans la fraternité des combats. Au sein du CAR, Pierre, tu es de tous les combats. Celui du rassemblement à Rennes, une ville qui t’est chère afin d’empêcher le déroulement d’un meeting organisé par d’anciens collaborateurs, Celui de la mobilisation contre la présentation d’une pièce de Brassilach au théâtre des Arts à Paris. Celui de la constitution de partie civile « au nom de la Résistance » contre de faux résistants et de vrais collaborateurs, mais aussi contre le négationnisme.
Partout où la Résistance est bafouée, Pierre, tu réponds présent.
Mais le CAR, c’est aussi une association qui avait, avant beaucoup d’autres, compris l’ardente nécessité de mener l’autre combat, celui de la pédagogie lié au renouvellement des générations.
En 1953, le CAR créé le prix littéraire de la Résistance, un prix qui sera attribué chaque année sans discontinuer de 1961 à aujourd’hui, un prix qui a mis en lumière de grands témoignages de la Résistance et des travaux essentiels des historiens. Exceptionnelle intuition. Mais pour toi, le CAR ce sont aussi des colloques de recherches, des conférences et des interventions dans les établissements scolaires. Ces interventions que tu apprécies tant. Celles qui te mettent en contact avec la jeunesse de France les appelant au devoir de vigilance et à la véracité des faits.
Le CAR est une pépinière de résistants dont les noms nous rappellent à tous un évènement, une page d’histoire,
le général Gabriel Cochet,
Georges Bidault,
Daniel Mayer,
Charles Laurent,
Marie-Madeleine Fourcade,
Charles Verny,
Léon Boutbien,
Jean Pierre-Bloch,
Jean-Pierre Lévy,
Jean Mattéoli,
Serge Ravanel et tant d’autres.
Cette formidable pépinière de résistants, tu en assureras la présidence à partir de 2004. Parallèlement, tu es fidèle aux anciens de la section française du SOE. Avec eux, tu inaugures à Valencay leur mémorial, ton mémorial aux côtés de la Reine Mère Elisabeth en 1991.
En 2005, tu assures la présidence de « Libre Résistance », l’association du SOE.
Libre, ce terme qui te va si bien.
Libre, tu le fus dans la Résistance
Libre, tu le fus dans ta vie
Libre, tu le fus dans la vie associative
Une liberté qui te conduit à être présent dans un monde associatif qui bouge – à la Fondation de la Résistance dont tu assureras une vice-présidence, à l’Association pour les Etudes sur la Résistance Intérieure (l’AERI) où tu t’engageras afin que soit créé le musée de la Résistance en ligne, au Comité régional du Mémorial Jean Moulin de Salon-de-Provence, où tu assistes le président fondateur Bernard Bermond dès l’origine et les présidents successifs. Tu en étais jusqu’à aujourd’hui membre d’honneur.
Pierre, la Résistance est pour toi un combat.
Lorsque le moment fut venu de choisir une association héritière, tu fis le choix du Souvenir Français qui t’apparaissait comme une garantie de prolongement compte tenu de la solidité de l’association, de son enracinement et des valeurs qu’elle porte.
Le Souvenir Français est fier de ce choix et garantit aujourd’hui l’avenir du prix littéraire de la Résistance, comme il garantit l’avenir du drapeau du CAR, porté ici par des jeunes du lycée Jacques Decour de Paris et celui des archives déposées au Service Historique de la Défense.
Pierre, jusqu’à tes derniers jours, tu t’es battu pour ce que tu croyais, la fierté d’être français et les valeurs de la Résistance.
Ici, aujourd’hui, nous t’accompagnons,
ta famille, tes enfants, tes petits-enfants, tes arrière-petits-enfants si fiers de toi, et nous avons surtout une pensée pour Simone, ton épouse ici présente, qui est à tes côtés depuis 73 ans et qui se sent si seule aujourd’hui, elle qui t’a toujours épaulé dans ton investissement mémoriel et associatif et dans ta vie professionnelle car elle était, elle aussi, chirurgien-dentiste.
Ta grande famille associative, celle des Médaillés de la Résistance dont tu es et dont étaient ton père et ton frère, et dont tu fus un membre éminent de la commission nationale des Médaillés de la Résistance, celle de la Fondation de la Résistance, celle du Souvenir Français,
et ta très grande famille de l’histoire, celle des historiens qui t’ont accompagné dans les colloques et dans le jury du prix littéraire de la Résistance, celles des enseignants qui ont tant aimé te recevoir, celle des conservateurs de musées et en particulier le musée du général Leclerc de la Libération de Paris et musée Jean Moulin auquel tu as tant contribué.
Ensemble, nos trois familles réunies te disent leur admiration.
Pierre, merci pour ce que vous êtes,
Pierre, merci pour ce que vous nous avez apporté.
Raymond Aubrac, à propos de sa première rencontre avec Jean Moulin - Document INA
Raymond Aubrac s'est éteint mardi 10 avril 2012 dans la soirée à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce (Paris Vème). Il allait avoir 97 ans.
Cofondateur du mouvement "Libération Sud", il était le dernier survivant des chefs de la Résistance arrêtés en juin 1943 à Caluire (Rhône) avec Jean Moulin - fondateur et premier président du Conseil national de la Résistance (CNR). Sa femme Lucie Aubrac, elle aussi héroïne de la Résistance, s'est éteinte en 2007 à l'âge de 92 ans.
En 1947 et 1950, il avait été témoin à charge lors des deux procès du résistant René Hardy (décédé en 1987) accusé d'avoir livré Jean Moulin à la Gestapo, et acquitté au bénéfice du doute.
De son vrai nom Raymond Samuel, il était resté un citoyen très actif et avait notamment été ovationné en février 2008 après un discours défendant la laïcité, lors d'un meeting de campagne du maire de Paris, Bertrand Delanoë. Avec d'autres grandes figures de la Résistance, il avait participé en 2009 au grand rassemblement "Résistants d'hier et d'aujourd'hui" du plateau des Glières et signé en 2011 l'Appel dit de Thorens-Glières qui vise à remettre dans le débat politique les principes toujours actuels du Conseil national de la Résistance.
Par le colonel Claude CHATON,
vice-président du Comité de la Légion d’honneur de Hyères (Var)
Dès le 20 juin 1940, âgé de 17 ans et 10 mois, Louis GUYOMARD crée, en Bretagne, un réseau d'évasion (baptisé par la suite Craonne) de prisonniers de guerre anglais , polonais et français (52 au total) pour lesquels il établit, avec son frère cadet, de fausses cartes d'identité portant le timbre officiel de la mairie de son village natal.
Il recueille également des renseignements stratégiques, relève les plans de défense allemands et les fait transmettre à Londres par l'intermédiaire d'un agent de la Confrérie Notre-Dame (C.N.D.).
Dénoncé et arrêté par la Gestapo, il réussit à s'enfuir le 15 mars 1941. Après maintes péripéties et un périple extraordinaire, il rejoint l'armée française au Maroc. Le 8 novembre 1942, en permission en France lors du débarquement allié en Afrique du Nord et alors qu'il est interdit de quitter le territoire métropolitain, il tente malgré tout de repartir, par ses propres moyens, au Maroc.
Ayant réussi, malgré de nombreux avatars, à franchir la frontière espagnole, il est arrêté dans un train à proximité de Barcelone. Interné dans le camp tristement célèbre de Miranda, à Gérone, et torturé alors qu'il cherche à protéger des camarades, il tient bon et donne l'exemple aux autres détenus. Libéré grâce à la Croix-Rouge britannique, il rejoint enfin les Forces Françaises du Maroc et participe avec le 2ème régiment de Tirailleurs marocains à la campagne d'Italie où il est blessé à Cassino.
Volontaire pour les services spéciaux (missions derrière les lignes ennemies), il intègre les «Sussex» (réseau d'agents de renseignement, en territoire occupé, préparant et accompagnant le débarquement du 6 juin 1944). Parachuté de nuit, sa zone est la Champagne, avec Troyes pour pivot. Grâce à son activité, il facilite amplement l'action des troupes américaines pour la libération de cette ville, fait lui-même 80 prisonniers et envoie 72 messages radio à destination de Londres. Il est décoré pour la parfaite exécution de cette mission de la Silver Star Medal US.
Après quoi il est à nouveau parachuté en Lorraine, en Belgique (lors de la contre offensive allemande des Ardennes) et en Allemagne, afin de participer à la libération des camps de la mort dans le cadre de l'unité interalliée «Spécial Allied Airborn Reconnaissance Force» plus connue sous l'acronyme «SAARF».
A la capitulation allemande, Louis Guyomard se porte volontaire pour servir au commando Conus luttant en Extrême Orient. Il participe à tous les combats de cette unité de choc tant en Cochinchine, au Laos, au Cambodge qu'au sud-Annam contre les troupes japonaises et mêmes chinoises.
Dégagé, à sa demande, des cadres de l'armée le 31 décembre 1946, il totalise cinq citations françaises: 1 à l'ordre de l'Armée, 3 à l'ordre de la Division et 1 à l'ordre du Régiment, une blessure de guerre, une citation américaine avec attribution de la Silver Star Medal et de nombreuses médailles et distinctions.
Tout en exerçant par la suite différentes professions (exploitant forestier au Cameroun, responsable de syndicats d'exploitants agricoles au Maroc, directeur puis directeur général adjoint fondé de pouvoir du groupe Viniprix-Euromarché), Louis Guyomard assume les responsabilités de président d'associations patriotiques en particulier les Sussex, Commando Conus, de vice-président national des «Evadés de France par l'Espagne» et rejoint le comité départemental du Var du Comité régional du Mémorial Jean-Moulin de Salon-de-Provence.
Par ailleurs, à la suite du tremblement de terre d'Agadir, le 29 février 1960, après avoir été parmi les premiers à porter secours aux victimes, il crée une association «Le Lien des Anciens d'Agadir et du Souss» regroupant encore actuellement en France et au Maroc 350 familles.
Jusqu'au bout, Louis Guyomard aura continué à œuvrer en permanence pour la reconnaissance des mérites de ses camarades encore en vie ou décédés au combat sous un nom d'emprunt. Invité à nombre de rassemblements patriotiques, il participe avec foi et rayonnement aux cérémonies, colloques et autres manifestations.
Président fondateur et fédérateur des noyaux restants des réseaux Sussex et Conus, il pérennise un travail de mémoire toujours vivace : publications dans différentes revues, réponses aux chercheurs historiques français et étrangers, conseils pour la création du musée des anciens «Sussex» à Hochfelden en Alsace, dons de matériels (musée de l'Armée, ...) etc.
Son action, entamée alors qu'il n'avait pas encore vingt ans, est une référence pour les jeunes du XXIème siècle, leur permettant de comprendre l'image de la France combattante d'alors. Louis fut donc un très jeune résistant, un évadé interné, un combattant extraordinaire puis un acteur inlassable du devoir de mémoire.
Le 12 avril 2012 , les cendres de Louis Guyomard ont été déposées, selon ses dernières volontés, dans la crypte du carré des légionnaires de l'institution des invalides de la Légion étrangère, à Puyloubier (Bouches-du-Rhône).
Le Comité régional du Mémorial Jean-Moulin s'est associé à cette cérémonie.
Décédé le 20 juillet 2012, Jean Nicolaï était une grande figure de la Résistance et de la déportation dans le Vaucluse et à Avignon, très actif depuis des décennies pour témoigner encore et toujours, tant aux côtés de ses camarades que devant collégiens et lycéens. Depuis 1969, il était également l'un des membres les plus actifs du Comité régional du Mémorial Jean-Moulin de Salon-de-Provence
Né en Corse, à Sartène, en 1916, il suit sa famille, qui s'établit à Lyon en 1930. C'est là, à 24 ans, qu'il entre en résistance, s'ingéniant pendant quatre ans, au poste où il était- les services d'écoute de Vichy - à transmettre nombre d'informations tant à la résistance qu'aux services secrets britanniques. Présent et invisible à la fois, en avril 1944 il a tout de même maille à partir avec Guinser, un commissaire de police de Vichy. Le 2 juin 44, ce sera la gendarmerie allemande, avant un transfert au fort Montluc, à Lyon, cellule 78, et les interrogatoires de la Gestapo.
Début juillet 1944, condamné aux travaux forcés à perpétuité, il est envoyé, via Compiègne, au camp de concentration de Neuengamme, près de Hambourg. Il y est enregistré sous le n° 37 599. Les nazis le forceront, au camp satellite de Bremen-Farge, à travailler nuit et jour, sous terre, à la construction de la base sous-marine allemande "Valentin". Il s'en sortira mais, au printemps de 1945, il sera des terrifiantes marches de la mort avant d'éviter de justesse la noyade lors du bombardement par les Alliés puis du naufrage, dans la baie de Lübeck, des bateaux sur lesquels les Allemands avaient entassé 7 000 déportés qui, presque tous, périront.
Engagé dans la vie politique en Avignon, Jean Nicolaï sera conseiller municipal de 1971 à 1983, puis p.-d.g. de Vaucluse logement, avant de se retirer à l'Isle-sur-la-Sorgue.
Faisant partie de la petite cohorte des décorés de la Légion d'honneur "au péril de leur vie", il arborait fièrement sa Croix de Commandeur. Tout récemment, à la mort de son compagnon en résistance Raymond Aubrac, il avait déclaré en souriant : "Il avait 97 ans ; moi, j'en ai 96, je n'ai qu'à bien me tenir"…
À l'initiative de MER, Mémoire et Espoirs de la Résistance, qui en est l'organisateur, avec la Fondation de la France Libre, le jeudi 2 février 2012 à 10h45, M. le Maire de Marseille a rendu un hommage solennel au capitaine Guy de Combaud-Roquebrune, à l'angle de la rue Combaud-Roquebrune et de la rue Sauveur-Tobelem, dans le 7ème arrdt, non loin du Vieux-Port, en dévoilant une grande plaque à sa mémoire, en présence de sa famille, dans la rue où il travaillait comme imprimeur, et qui porte son nom.
Marseillais, père de 6 enfants, résistant dès 1940, il s'engage à 37 ans, en 1943, dans les parachutistes de la France Libre intégrés au Special Air Service (SAS). "Mort pour la France" en Saône-et-Loire, en 1944.
Son souvenir est déjà très présent au Musée de l'Armée, aux Invalides.