Les documents présentés dans ce dossier sont signés de :
Nous vous proposons également de voir le film « La Résistance sur les bords de la Méditerranée. Un parcours d’historien, Jean-Marie Guillon ».
Un film écrit par Jean-Marie Guillon (TELEMMe, AMU-CNRS)
Réalisé par Agnès Maury - Les Films du Papillon
Avec la voix off et lecture des textes par Sofy Jordan
Durée : 60 min - TELEMMe – Les Films du Papillon, 2021
Diffusé sous licence Creative commons BY-NC-SA 4.0
Ce film a reçu le soutien du service des Musées de la ville de Marseille, de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme et de l’Institut SoMuM (Sociétés en mutation en Méditerranée).
Sommaire de ce dossier :
Texte de Robert MENCHERINI.
On ne peut évoquer toutes les organisations d'assistance et de sauvetage, françaises ou étrangères présentes à Marseille, très actives dans les camps et pour l’aide au départ. Mais, avec le grand nombre d’étrangers réfugiés dans la région marseillaise, elles constituent un terreau pour la Résistance des réseaux et mouvements. Celle-ci apparaît très tôt à Marseille et dans le département.
Dès l’automne 1940, plusieurs feuilles sont diffusées sous le manteau : la Lettre du général Cochet, les “Bulletins jaunes” du journaliste Jean Bardanne ou la Voix du Vatican qui, depuis Avignon, amorce la “résistance spirituelle” d’une partie des catholiques provençaux. Elle est continuée en novembre 1941 par les Cahiers du Témoignage chrétien : Simone Weil participe à leur diffusion jusqu’à son départ de Marseille.
Parallèlement, les mouvements commencent à s’organiser. Le journal Liberté, de Pierre-Henri Teitgen et François de Menthon, est imprimé à Marseille à partir de janvier 1941. C’est là aussi qu’Henri Frenay prend les premiers contacts pour son « Mouvement de Libération Nationale » (MLN).
La cité portuaire est un lieu privilégié pour les réseaux d’évasion et de renseignements : « F2 », initié par des militaires polonais démobilisés, « Alliance » de Marie - Madeleine Méric (Fourcade), liée aux Britanniques comme l’organisation « Carte » du peintre André Girard, « Pat », avec Louis-Henri Nouveau, qui prend en charge les aviateurs alliés ou « Brutus », dépendant du BCRA, avec André Boyer-Brémond et Gaston Defferre-Denvers.
Marseille est devenue un véritable pôle : avant de partir pour Londres, Jean Moulin y rencontre Frenay et Menthon dont les mouvements MLN et « Liberté » s’unissent bientôt dans « Combat ». Parallèlement, se met en place le “Front national pour l’indépendance de la France et la résistance à l’envahisseur ». Encadré par les communistes, mais se voulant représentatif de toutes les couches de la nation, il se structure dans la région à partir de 1942.
Une vague d’arrestations atteint, à la fin de l’année 1941, la plupart des organisations de Résistance de Marseille. Mais des liens se tissent avec une population dont l’opinion évolue. Et l’hostilité aux occupants s’exprime dans la rue.
Ainsi, en mars 1941, une foule nombreuse dépose des gerbes sur la plaque de la Canebière et au monument de la Préfecture à la mémoire du roi Alexandre Ier de Yougoslavie, en soutien au nouveau roi. Et, le 14 juillet 1942, à l’appel des mouvements et de Radio-Londres des manifestations ont lieu dans beaucoup de localités du département. Elles regroupent, à Marseille, plusieurs milliers de personnes.
La Résistance soutient les nombreuses manifestations de « ménagères ». Elle appelle aussi au refus de la Relève, puis du STO. Elle aide les jeunes du département à partir pour les premiers maquis du Haut-Var ou des Basses-Alpes.
Des militaires de l’armée d’armistice dissoute s’engagent dans l’ « Organisation de Résistance de l’Armée » (ORA), menée par Jacques Lécuyer, Sapin. Parallèlement, sont créés, en 1943, avec « Combat », « Libération » et « Franc-Tireur », les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) qui deviennent MLN par regroupement avec des mouvements de zone Nord.
Les groupes de résistance développent l’action armée dans l’ensemble du département. C’est le cas pour les Groupes-Francs (GF) des MUR et pour les Francs Tireurs et Partisans Français (FTPF), liés au Front national et au Parti communiste, les FTP-MOI et les groupes de combat juifs. FTP et communistes paient un lourd tribut. En témoignent, parmi bien d’autres, Maurice Korsec, Elvéric d’Alessandri et Maurice Bonein, Lucien Vivaldi, tous fusillés, Vincent Faïta et Jean Robert, guillotinés à Nîmes.
La Gestapo (de fait SIPO-SD), désormais installée à Marseille, 425 rue Paradis, porte des coups très durs à la Résistance. Le “Rapport Flora” dresse la liste de 122 résistants arrêtés entre mars et juillet 1943 dont les dirigeants des MUR. Le SIPO-SD remonte jusqu'à Paris, Lyon et Calluire où Jean Moulin est arrêté, le 21 juin 1943.
Malgré la répression, la presse clandestine se développe. Aux journaux nationaux s'ajoutent des parutions régionales : La Marseillaise, pour le Front National, Le Marseillais, organe du MLN, Rouge-Midi, pour le Parti communiste, l’Espoir, organe régional des socialistes, Le Midi syndicaliste (titre du journal de l’UD CGT d'avant-guerre)...
Parallèlement, la Résistance regroupe ses forces militaires dans les FFI et se coordonne dans un comité départemental de Libération (CDL). Celui-ci, constitué au début 1944, rassemble dans son “noyau actif”, les MUR, le FN, le PC, le PS et la CGT. Il est présidé par Max Juvenal, Maxence, des MUR-MLN.
Les grèves de 1944 révèlent un changement de climat social et politique. Le premier grand mouvement a lieu du 17 au 22 mars, le second du 25 au 27 mai 1944. Dirigés par la CGT clandestine, Lucien Molino et Raoul Exbrayat, sous couvert des syndicats officiels, ils mobilisent des milliers d’ouvriers. La mobilisation de mai 1944 qui combine grèves et manifestations de femmes est brutalement interrompue, le 27 mai, par le bombardement américain de Marseille.
Le débarquement de Normandie suscite une montée au maquis dans les collines du nord du département (ORA-AS) et au Plan d’Aups (Milices socialistes). Mais bien renseignées à la suite d’une trahison (« Affaire Catalina » du SIPO-SD), les troupes allemandes interviennent de manière très meurtrière. Elles font plus d’une centaine de victimes dans ces maquis, et dans celui, FTPF, de Saint-Antonin-sur-Bayon. Elles tuent aussi des résistants de Salon, Lançon et Saint-Rémy, et, en fusillent d’autres, arrêtés à Marseille et Martigues à Charleval, près de La Roque d’Anthéron.
Et, pendant l’été 1944, de nouveau, le SIPO-SD arrête des responsables de la région et du département, en particulier MLN et FFI (« Affaire Antoine ») qui sont fusillés à Signes en juillet-août.
Ainsi, à la veille du débarquement de Provence, la Résistance a subi de lourdes pertes. Et pourtant, sa participation à l’insurrection d’août et aux opérations de la Libération sera très importante, concrétisant ainsi l’action menée depuis l’été 1940.