Dossier extrait du livre collectif
"Les réseaux Action de la France combattante, 1940-1944"
publié en 1986 par l'Amicale des Réseaux Action de la France Combattante
En 1937, un jeune élève-pilote qui s'entraînait pour passer son brevet de tourisme, s'intéressait vivement, et c'était bien naturel, à l'histoire de l'aviation. Un récit attira avec force son attention ; il le lut et le relut, et ces lignes ne quittèrent plus sa mémoire.
Il venait d'apprendre que, pendant la Première Guerre mondiale, un courageux pilote français allait se poser dans les prés, derrière les lignes allemandes, pour y déposer des espions. Cela lui parut d'une telle audace, qu'il se demanda comment l'on avait pu avoir l'idée de tenter d'aussi périlleuses aventures, et comment celles-ci avaient bien pu réussir.
Il ignorait alors que, quelques années plus tard, il aurait précisément pour mission, avec d'autres, d'organiser de telles opérations. Cet homme s'appelait Henri Guillermin et pour nous il fut Pacha. Il nous a quittés en 1984.
Sommaire de ce dossier :
Pour les opérations de parachutage, la Royal Air Force a utilisé six types différents de bombardiers : Whitley, Wellington, Albermarles, Halifax, Liberator et Stirling.
La description de chaque appareil ne s'impose pas dans le détail. Les trois premiers étaient des bimoteurs. Le Whitley, 270 km/h de vitesse de croisière, 3 000 kg de charge utile, 2 600 km de rayon d'action, fut le premier appareil à effectuer des parachutages. Les trois autres étaient des quadrimoteurs. Comme le Halifax fut le plus utilisé pour ces opérations, il doit faire l'objet de quelques précisions : construit par Handley Page il faisait 31 m d'envergure et 22 m de long. Equipé de quatre moteurs développant selon les types de 1 200 à 1 800 chevaux chacun, sa vitesse de croisière était de 340 km/h. Son armement se composait de 9 mitrailleuses et il pouvait emporter 5 800 kg de bombes (ou 15 containers). Il atteignait un plafond de 6 500 m avec un rayon d'action de 3 000 km. Ce n'est qu'en 1944 que les Liberators, construits aux USA et les Stirlings anglais prendront progressivement sa relève.
Stirling
Liberator
Whitley
Halifax
Halifax avec 15 containers dans ses soutes
Flying Fortress
Nos amis britanniques nous ont fourni l'aide principale, l'aide permanente pendant les longues années de l'occupation. Les officiers français responsables des opérations ont été formés dans leurs stages et en ont conservé un agréable souvenir. Mais nous ne devons pas oublier l'effort important que les Etats-Unis nous ont apporté à leur tour. En 1944, les bombardiers de l'US Air Force venaient larguer leurs soutes d'armes sur nos terrains clandestins ou sur nos maquis. Venues de Grande-Bretagne ou d'Afrique du Nord, des vagues d'appareils nous ont apporté, notamment dans le Vercors, des tonnes de ces armes tant attendues.
Les Dakota n'hésitaient pas à venir se poser sur les terrains clandestins « Hudson » pour y déposer agents, matériel et médicaments. Ils embarquaient au retour des aviateurs alliés descendus et récupérés par la Résistance sans oublier le courrier des réseaux.
Cette aide nous fut précieuse, au moment où le pays préparait le soulèvement qui devait participer à notre libération.
Pour les parachutages de nuit, les Américains utilisaient le bombardier B24 Liberator : envergure 33,5 m, longueur 20 m, 4 moteurs de 1 200 chevaux, vitesse de croisière 360 km/h, rayon d'action 4 500 km, armement dix mitrailleuses et 4 000 kg de bombes et, pour les opérations de jour, la fameuse Forteresse volante B 17 : envergure 31 m, longueur 22 m, également quatre moteurs de 1 200 chevaux, vitesse de croisière 380 km/h, rayon d'action 4 800 km, plafond 11 000 m. Armée de dix mitrailleuses pour sa défense, elle pouvait emporter 8 000 kg de bombes.
Ils disposaient tous d'une autonomie suffisante pour « couvrir » toute la France. Cependant leur vitesse de croisière de 300 km/h en moyenne rendait dangereuses les missions dans le sud pendant les courtes nuits de l'été. En effet, pour ne pas servir de cible trop facile à la chasse allemande, ils ne pouvaient aborder les côtes françaises qu'après la tombée de la nuit et devaient être de retour en Angleterre avant le lever du jour. La nécessité d'éviter les zones de flak ou de DCA leur interdisait la ligne droite et augmentait la longueur du trajet. Pour certaines destinations, ils pouvaient survoler la pleine mer, mais les distances se trouvaient là aussi, allongées. D'ailleurs, par la suite, une fraction de la zone Sud fut desservie à partir de bases aériennes installées en Afrique du Nord libérée.
Les bombardiers subissaient peu de transformations pour être affectés aux opérations spéciales. Les containers remplaçaient les bombes dans les soutes ce qui permettait un largage groupé. Une trappe était aménagée dans le plancher du fuselage pour faciliter les sauts des agents parachutés et le lancement des « paquets » qui accompagnaient généralement les containers.
<
Lysander
Tableau de bord du Lysander
Jusqu'à fin 1942, le Lysander fut le seul appareil utilisé pour les atterrissages clandestins mais ses qualités pour ce genre de mission étaient telles qu'il continua de servir tant que durèrent les opérations.
C'était un monomoteur monoplan à aile haute. Il avait été conçu comme avion d'appui à l'armée de terre, d'observation rapprochée, de liaison et d'entraînement. Son train d'atterrissage, fixe, en forme de V renversé et d'une extrême solidité, avait été prévu pour que l'appareil puisse se poser sur des terrains de fortune, près des lignes de combat. Des fentes de sécurité, au bord d'attaque de l'aile, s'ouvraient automatiquement avant la vitesse de décrochage et lui permettaient de se sustenter encore à 90 km/h, donc d'effectuer des atterrissages et des décollages courts, sur moins de 200 m, facilités en outre par un fletner efficace modifiant l'angle du plan fixe horizontal de l'empennage. Son moteur de 9 cylindres en étoile Bristol Mercury développait une puissance de 870 chevaux ce qui lui procurait une vitesse de croisière de 250 km/h et une vitesse maximale de 370 km/h. Son réservoir d'essence de 400 litres, situé dans le dos du pilote, lui donnait une autonomie de 800 km.
D'une envergure de 15,25 m et d'une longueur de 9,30 m, il pesait à vide 1 800 kg et pouvait aisément emporter une charge d'une tonne.
L'équipage se composait de deux hommes : le pilote et un mitrailleur à l'arrière.
Des mitrailleuses et des petites bombes pouvaient être fixées sous des ailettes placées sur le côté extérieur du carénage des roues.
Pour les missions spéciales, il subissait quelques transformations. L'habitacle du mitrailleur était libéré pour recevoir des passagers. A deux, ils disposaient déjà d'une place restreinte. S'ils étaient trois, ils devaient se serrer sans pouvoir changer de position pendant les quelques heures de vol. Pourtant, plusieurs fois quatre personnes réussirent à s'entasser dans cette petite cabine malgré un inconfort total. Une échelle fixe, placée sur le côté gauche du fuselage permettait l'embarquement et le débarquement en pleine campagne, sans moyen extérieur.
Les supports de bombes et de mitrailleuses étaient supprimés. Mais surtout un réservoir supplémentaire de 650 litres, en forme de torpille et suspendu sous le fuselage, portait l'autonomie de vol à environ 2 000 km. Toute mission lui était donc interdite dans le sud de la France et en venant d'Angleterre au-dessous d'une ligne Périgueux-Valence. Complètement désarmé, il ne devait sa sécurité qu'à sa faible vitesse qui lui permettait de virer court et de manoeuvrer en rase-mottes s'il le fallait. Le pilote chargeait les passagers de scruter à l'arrière le ciel pour l'avertir d'une éventuelle attaque de la chasse de nuit ennemie.
Lent et lourd, avec un armement inefficace tant pour l'appui au sol que pour sa propre défense, le Lysander était un mauvais avion de combat. Par contre, il s'est révélé comme l'appareil idéal pour les missions secrètes et, à ce titre, il a rendu les plus grands services.
LOCKHEED HUDSON
équipé d'un canot gonflable sous le fuselage
Cet avion à aile basse était construit aux Etats-Unis par la firme Lockheed. Ses deux moteurs Pratt et Whitney Twin Wasp développaient chacun 1200 chevaux. Très particulier, son empennage comportait deux dérives en forme de poire. Il était muni d'un train d'atterrissage rentrant mais sa roulette de queue restait fixe.
Ses caractéristiques étaient les suivantes : envergure 19,95 m, longueur 13,50 m, poids à vide 5,5 tonnes, poids maximal en charge 8 tonnes, vitesse maximale 400 km/h, vitesse de croisière 270 km/h, autonomie 3 400 km.
Conçu à l'origine comme avion de transport, la RAF l'avait commandé tout d'abord comme appareil d'entraînement à la navigation aérienne. Mais bientôt il était transformé pour le bombardement léger et la grande reconnaissance, surtout maritime.
Son armement consistait en deux mitrailleuses fixées à l'avant et deux mitrailleuses jumelées dans une tourelle dorsale à l'arrière, et il pouvait larguer des bombes de 350 à 500 kg. Premier appareil à être équipé d'un radar pour la détection des sous-marins il fut surtout affecté à l'escorte des convois maritimes en Atlantique Nord.
Le Hudson commença à être utilisé pour les missions spéciales à la fin de 1942, sans faire l'objet de transformations importantes. Une trappe avait toutefois été aménagée dans le bas du fuselage pour de petits parachutages. Son équipage se composait d'un pilote, d'un navigateur et d'un radio-mitrailleur.
Les passagers avaient accès à la carlingue par une porte, prévue à l'origine et située à gauche, derrière l'aile. Dix personnes pouvaient prendre place mais l'intérieur n'étant nullement aménagé elles devaient s'asseoir à même le plancher ou sur leur valises, le dos appuyé aux structures du fuselage.
Son rayon d'action lui permettait d'accomplir des opérations sur tout le territoire sans restrictions. Mais si le terrain était situé très au sud, les nuits les plus courtes l'obligeaient éventuellement à se dégager sur la Méditerranée et à rejoindre l'Afrique du Nord au lieu de retourner directement en Angleterre.
Par ses capacités beaucoup plus grandes sur tous les plans, le Hudson était un heureux complément du Lysander. Mais il nécessitait des terrains beaucoup plus longs et un sol très ferme pour supporter sur les deux roues principales plus de 8 tonnes.
Il n'est pas du tout question ici des postes émetteurs-récepteurs qui servaient aux liaisons entre la France et l'Angleterre ou l'Afrique du Nord, et qui sont décrits dans le chapitre des « Transmissions radioélectriques clandestines » mais des appareils dont l'emploi était réservé pour les opérations aériennes.
C'est un appareil de radioguidage uniquement émetteur, une balise-radio en somme. Ses ondes, dans la gamme des ultra-courtes, partent dans toutes les directions en s'évasant. Elles ne sont pas reçues au sol, donc ne sont pas détectables par les stations de repérage de l'ennemi. La portée atteint 180 km environ.
L’Eureka
Les premiers appareils parachutés sont volumineux et lourds, contenus dans une caisse en bois. Ensuite l'ensemble du poste tiendra dans un étui de toile molletonnée muni de bretelles et portable sur le dos comme un sac de montagne. Il est alimenté par une batterie d'accumulateurs. Un mât de quelque 3 à 4 mètres de haut porte une antenne à trois branches. Installé sur le terrain de parachutage ou d'atterrissage, l'Eurêka est mis en service pendant les heures d'attente prévues. Il reste en veille, sans émettre, mais se met de lui-même en fonctionnement s'il en reçoit la demande d'un bombardier survolant sa zone de portée. Un faible grésillement indique alors qu'un avion s'est branché sur lui, donc qu'il arrivera bientôt sur le terrain.
Les appareils de la RAF sont équipés d'un poste appelé « Rebecca » dont le principe est celui du radar. Les ondes qu'il émet sont réfléchies par l'Eurêka. Une antenne principale lui permet de signaler la distance et deux autres antennes la direction de l'Eurêka.
Cela se matérialise sur le tableau de bord de l'avion par un tube cathodique d'environ onze centimètres de diamètre. Une ligne verticale graduée partage le cadran en deux. Elle indique les distances en miles, le zéro se situant vers le bas.
Le pilote, qui vient effectuer une opération, a coupé, pour sa sécurité, toute liaison radio lorsqu'il approche d'un territoire ennemi. Il navigue alors au compas, instrument de navigation aérienne ou maritime fonctionnant sur le principe de la boussole et indiquant en degrés, par rapport au nord, la direction suivie par l'appareil. Lorsqu'il estime qu'il arrive dans la zone de portée de l'Eurêka, il met en service le Rebecca. Un trait bleu apparaît alors derrière la ligne graduée, et sa longueur indique à quelle distance il se trouve de sa destination. Un autre trait bleu horizontal, situé au sommet du trait vertical précise dans quelle direction se situe l'Eurêka. S'il est plus long à droite (ou à gauche) cela signifie que la balise radio se situe sur la droite (ou la gauche) de sa ligne de vol. Le pilote manoeuvre pour que le trait s'équilibre de part et d'autre. Il sait alors que le terrain est exactement devant lui et lit la distance qui le sépare de lui sur la ligne graduée. Lorsque le trait bleu vertical arrive à zéro, l'avion se trouve exactement au dessus de l'Eurêka.
La précision de ce système de radio-guidage était telle qu'un bombardier pouvait éventuellement larguer, par exemple au-dessus d'une nappe de brume, donc sans voir le sol, avec une précision de l'ordre de cent mètres.
L'Eurêka pouvait avoir d'autres utilisations. Imaginons que la RAF reçoive pour mission de détruire un objectif si bien camouflé qu'on ne peut pas le distinguer d'avion. Bien sûr, elle possède les coordonnées exactes, mais l'opération n'est pas assurée du succès, même en employant de gros moyens, en raison d'une marge inévitable de précision de navigation. Mais si un agent au sol place un Eurêka exactement à 5 miles au nord du centre du périmètre à détruire, la vague de bombardiers, faisant son approche dans le sens sud-nord peut lâcher ses bombes lorsque le Rebecca indique la distance de 5 miles. L'objectif sera certainement atteint.
L'Eurêka dont la technique, à l'époque, était ultra-secrète et non connue des Allemands, était équipé d'uns système d'autodestruction pour essayer d'éviter que son système de fonctionnement soit analysé par l'ennemi.
Si cet appareil fonctionne pratiquement comme l'Eurêka normal, son utilisation est toute différente. Il s'agit d'un véritable radio-phare au service de tous les avions dont l'itinéraire coupe la zone couverte par le Beacon ou qui font en sorte de survoler cette zone.
La RAF demandait son installation sur un point précis, choisi par elle. Il devait fonctionner toutes les nuits, sauf lorsqu'une phrase convenue passait aux messages personnels de la BBC, ce qui signifiait qu'aucun avion ne devait naviguer aux alentours ce jour-là.
Comme les phares normaux aériens ou maritimes qui lancent, chacun des signaux lumineux différents pour être identifiés, ce radio-phare émettait en morse radio deux lettres différentes chaque nuit pour plus de sécurité. Les navigateurs des bombardiers, connaissant par leur Rebecca la direction, la distance et la situation exacte de cette balise, pouvaient alors faire le point précis de leur position et corriger éventuellement leur cap de navigation pour poursuivre leur route vers l'objectif à atteindre.
Le S-Phone
Le S-Phone (téléphone secret) est un petit émetteur-récepteur portatif en phonie. L'appareil lui-même, très léger, environ du volume d'une boîte de vingt-cinq cigares, se fixe par des sangles sur la poitrine de l'opérateur. Il porte une antenne qui s'éloigne d'abord horizontalement sur quelque 25 cm puis se déploie en deux branches verticales d'une longueur totale de 60 cm environ.
Il est équipé d'un casque à deux écouteurs très insonorisés et d'un micro de bouche très enveloppant, ce qui permet le secret total de la conversation, même pour une personne située à côté de l'opérateur. Son alimentation est assurée par une série de six petits accumulateurs au cadmium-nickel, logés par deux dans trois des cinq poches fixées sur une solide ceinture. Les deux autres poches sont réservées à une boîte d'alimentation transformant le courant des accus et à l'ensemble casque microphone.
Le poids total avoisine 7 kg.
Sa portée est difficile à définir avec précision tant elle est changeante. Un avion à haute altitude se trouvant face à l'opérateur peut capter son émission à plus de 60 km. Mais sur le plan pratique, étant donné la hauteur de vol d'un avion qui recherche un terrain et le fait que l'opérateur ignore cette présence et ne peut donc faire face, on peut dire qu'elle est, en moyenne, qu'une quinzaine de kilomètres.
Les ondes du S-Phone ne sont pas détectables du sol, du moins à plus de 1 500 m. Elles se propagent en ligne droite, comme un faisceau lumineux, c'est-à-dire que tout obstacle les arrête. Aussi l'opérateur doit-il se tenir sur un point dégagé de tous côtés. Son propre corps étant, lui-même un obstacle et le casque l'isolant de tout bruit extérieur, un aide, les deux mains sur les épaules, le dirige sans arrêt face au vrombissement de l'avion, dès qu'il est perceptible, pour obtenir le maximum d'audition.
L'utilisation du S-Phone était double. Généralement, il servait à diriger l'avion vers le terrain de parachutage ou d'atterrissage. En principe, la communication était possible un peu avant que le bruit des moteurs soit perceptible.
Tout d'abord, il fallait s'identifier. Or chaque officier d'opérations avait un code personnel pour les messages de la BBC. Par exemple, « d'Albert à Tommy ». Albert était le BCRA et Tommy l'officier en mission. C'était cette phrase conventionnelle qui servait pour les communications SPhone, « Albert » devenant l'avion de la RAF et « Tommy » l'agent au sol.
Une fois l'identification mutuelle assurée, le balisage du terrain est allumé et la lettre de reconnaissance envoyée. L'opérateur, en se basant sur la direction du bruit des moteurs, qui correspond d'ailleurs à celle de la plus forte audition, guide l'avion vers lui en lui signalant le cap à suivre. Ensuite, il peut lui demander de donner, avec ses feux, le signal de reconnaissance, lui indiquer la force du vent, éventuellement la hauteur approximative du plafond des nuages, lui faire préciser le nombre de containers et de paquets qui seront largués en un seul ou deux passages, etc. La conversation doit se poursuivre jusqu'à ce que l'avion indique : « Opération terminée ».
La deuxième utilisation du S-Phone consistait à permettre une conversation « téléphonique » entre un responsable du BCRA qui avait pris place dans un avion et l'officier d'opérations, lorsqu'un sujet important la nécessitait. Rendez-vous avait été pris à l'avance, par câble, sur un point précis, en principe un terrain de parachutage. Le bombardier tournait alors en rond pour ne point s'écarter de la zone d'audition pendant que les deux correspondants échangeaient consignes et renseignements avec l'énorme avantage d'avoir les réponses immédiates aux questions posées.
Le MCR-Biscuit
Ce récepteur-radio, Miniature Communication Receiver (poste récepteur miniature), était appelé Midget et plus couramment encore Biscuit car son emballage rappelait étrangement les grandes boîtes de fer blanc cubiques utilisées pour la vente et la conservation des biscuits. A l'époque du transistor roi, cet appareil semble bien archaïque. Mais alors les tubes radio ou « lampes » même miniaturisés étaient assez volumineux et, en outre, consommaient beaucoup d'énergie.
L'armée anglaise disposait de postes de TSF portables avec haut-parleur. Ils étaient alimentés par une batterie d'accumulateurs de voiture et devaient bien peser quinze kilos. Aussi, en comparaison, le MCR apparaissait par son poids et son volume, comme une merveille de la technique de l'époque. Le poste lui-même de quelque vingt centimètres de long pesait 1,250 kg environ. Quatre selfs interchangeables permettaient de capter les émissions de 20 à 3 000 m de longueur d'ondes. Il était livré avec trois piles, chacune de plus d'un kilo et assurant trente heures d'écoute. Pour économiser l'énergie, il n'avait pas de haut parleur mais un casque à deux écouteurs.
Une antenne souple de neuf mètres de long, enroulée sur une carte en bakélite, devait être tendue sur deux mètres au moins et si possible sur toute sa longueur. Le fil de terre n'était pas indispensable mais son usage augmentait le volume de l'audition.
Un grand nombre de ces récepteurs furent parachutés en 1944, pratiquement un par terrain en service. En effet, on pouvait craindre, qu'à la suite de bombardements ou de sabotages, surtout pendant la période allant du débarquement à la Libération, le courant électrique soit coupé avec, pour conséquence, l'impossibilité d'écouter les messages de la BBC, donc de réaliser les opérations de parachutage et d'atterrissage au moment ou celles-ci seraient le plus nécessaires.
Deux autres récepteurs, encore plus miniaturisés furent parachutés un peu plus tard, mais en nombre limité. En principe, ils étaient réservés aux agents du BOA ou de la SAP qui se déplaçaient continuellement : l'Emerson, tout entier logé dans un étui d'un volume semblable à un livre de 1 000 pages et le Midget de poche gros comme un étui de cinq cigares avec ses écouteurs minuscules contenus dans une boîte cylindrique guère plus grande que celle des pastilles Valda ou similaires.
Le pédalor
Générateur à vapeur
Comme on le sait déjà, l'Eurêka et le S-Phone étaient alimentés par des batteries d'accumulateurs. Pour les postes émetteurs-récepteurs utilisés pour les liaisons radio avec Londres ou Alger, une boîte d'alimentation permettait de les brancher soit sur le secteur, soit sur des accus. Ces derniers devaient bien sûr être rechargés. Le moyen le plus utilisé restait le chargeur normal branché sur le courant domestique. Mais la crainte de coupures d'électricité et aussi le fait que l'entretien de ces appareils était parfois assuré par des maquis dépourvus, pas toujours d'ailleurs, de prises de courant, voulurent que toute une gamme de générateurs soit mise à la disposition des officiers d'opérations. Certains étaient à main : le « manitor » (il fallait se relayer), d'autres à pédales : le « pédaltor » (bicyclette immobile). Le modèle le plus utilisé et le plus pratique était le « génégroup » avec un moteur à essence. Le plus inattendu restait le générateur à vapeur : de la grosseur d'un grand faitout, c'était une merveille de petite mécanique fonctionnant parfaitement bien avec quelques branches de bois mort.
Container type C avec 3 cellules
Containers américains en carton toilé
Les parachutes détachés sont regroupés.
Il va falloir aller ramasser les containers.
Photographie d’un parachutage réel.
Le modèle des containers indiquequ’il s’agit d’une opération de l’U.S. Air Force.
Il fallait non seulement que le matériel parachuté soit emballé, ce qui va de soi, mais encore que ces emballages puissent se loger dans les soutes à bombes des avions. Leur gabarit devait donc approcher de celui des grosses bombes utilisées.
La RAF qui, seule, effectua des parachutages pendant les trois premières années de la guerre, avait adopté deux types principaux de containers ayant tous deux sensiblement les mêmes dimensions hors-tout, c’est-à-dire des cylindres d’un diamètre d’environ 40 cm et d’une longueur de 1, 72 m. On les appelait parfois les « tubes ».
Le container type « C » était monobloc en tôle nervurée et s’ouvrait dans le sens de sa longueur. Il était composé en réalité de deux demi-coques assemblées d’un côté par des charnières et, de l’autre, par trois verrous maintenus fermés par des clavettes. Quatre fortes poignées permettaient son transport par quatre hommes. Son poids variait selon son contenu de 120 à près de 200 kg. A l’une de ses extrémités, se trouvait inclus dans les dimensions le logement du parachute de quelque 15 cm de profondeur. Il restait donc une longueur utile d’environ 1,50 m ce qui permettait d’y loger les armes longues : fusils mitrailleurs, mitrailleuses, lance-roquettes anti-char, etc. Ils pouvaient aussi contenir trois autres cylindres de tôle de 35 cm de diamètre et de 45 cm de hauteur appelés cellules. Elles étaient fermées par un couvercle muni de quatre ergots qui le verrouillaient et de deux poignées pour le transport. Des disques de contreplaqué étaient placés entre chaque cellule. L’amortisseur de choc à l’arrivée au sol, qui a souvent disparu des exemplaires exposés dans les musées, était un tampon de caoutchouc mousse.
Le container type « H » était un assemblage de sept éléments. En partant du bas, c’est-à-dire la partie qui arrivait au sol, on trouvait l’amortisseur en forme de demi-sphère aplatie, en tôle ajourée qui s’écrasait au choc. Puis suivaient cinq cellules référencées A.B.C.D.E., s’emboîtant les unes dans les autres de quelques centimètres. Chacune d’elles représentait un cylindre de tôle de 37 cm environ de diamètre et d’une hauteur de 29 cm. Le couvercle était maintenu fermé par six ergots s’encastrant dans des fentes. De petits anneaux permettaient le passage d’une sangle pour le transport. Les cellules A et B étaient chargées plus lourdement que les trois autres pour que le container prenne de lui-même, avant l’ouverture du parachute, une position verticale. Venait enfin le logement du parachute. Le tout était réuni par deux tiges d’acier, filetées à leurs extrémités et qui bloquaient l’ensemble. Ce type de container, beaucoup moins résistant que le « C », servait au conditionnement de tout l’armement léger et du matériel de sabotage.
Sans être une règle absolue, car le besoin de larguer du matériel spécial restait constant, une standardisation du contenu des containers était établie, ce qui facilitait grandement les inventaires. Ainsi, chaque agent des opérations aériennes savait, en consultant le catalogue, le détail du matériel que comprenait un « H » ou un « H5 » puisqu’il y avait cinq types standard de chargement.
En première urgence, était prévue, lors du débarquement des Forces alliées, l'exécution du « Plan Vert », c'est-à-dire le sabotage des voies ferrées ayant pour but d'empêcher les armées allemandes de se regrouper rapidement pour faire face aux troupes débarquées. Une attention particulière était apportée pour que la Résistance dispose des moyens nécessaires. Aussi, dans certains parachutages, un groupe de sept containers, marqués en vert, devait être réservé pour cette action. Encore existait-il cinq compositions différentes de matériel, précisées dans une autre page du « Nouveau catalogue des containers ».
Les Américains utilisaient des containers plus diversifiés. Certains se présentaient comme des tubes avec un couvercle, genre tube d'aspirine. D'autres, au lieu d'être cylindriques avaient une forme octogonale. Ils pouvaient être en tôle, en carton fort toilé ou en contre-plaqué. Certains étaient des sacs de forte toile. En général, ils étaient plus courts que les containers anglais.
Si, au début des opérations, les parachutes étaient en soie naturelle blanche, bien tentante pour les membres des comités de réception, ensuite ils devenaient en toile de coton teinté en kaki et beaucoup moins convoitée.
Le catalogue des containers énumérait les principaux matériels parachutés mais sous des appellations pas toujours compréhensibles par tous. La liste ci-après, bien qu'incomplète, donnera néanmoins une idée plus précise :
Pour certains gros sabotages stratégiques, des charges spécialement étudiées étaient préparées en Angleterre :
Les chefs OPS pouvaient, en outre, demander par câble des matériels spéciaux. Et, pourquoi ne pas le dire, les agents parachutés recevaient une valise, de temps en temps, contenant des vêtements (un tailleur à Londres avait leurs mesures) et quelques conserves.
En 1941, ce problème ne se posait pas. Les quelques containers de propagande reçus ne suscitaient pas de jalousie. D'ailleurs seuls quelques rares initiés en avaient connaissance.
L'arrivée en zone Sud en 1942 des officiers de liaison fit naître des espérances bientôt déçues car leurs demandes d'opérations ne furent guère exaucées. Le peu de matériel reçu a dû être réservé aux opérations de sabotage demandées par l'Etat-Major interallié et pour des actions ponctuelles suggérées par des groupes francs et dont l'utilité était reconnue par des responsables.
Jean Moulin supervisait d'ailleurs la répartition.
En outre, les premiers maquis, qui se formaient pour accueillir les réfractaires au Service du Travail Obligatoire en Allemagne (STO), désiraient, et c'est bien compréhensible, d'une part pouvoir se défendre et d'autre part, préparer des actions offensives.
Les officiers d'opérations se trouvaient donc en face de demandes énormes alors que les réceptions demeuraient encore modestes. Il fallait répartir la pénurie pour la meilleure utilisation positive des petites quantités disponibles, conformément aux ordres reçus. Les points de vue des deux partenaires, le fournisseur c'est-à-dire l'Angleterre et le demandeur, c'est-à-dire la Résistance, étaient fort différents. D'un côté, on acceptait de distraire quelques avions de l'effort général de guerre pour procurer des armes et des explosifs à des équipes dont l'action immédiate était payante sur le plan des résultats et évitait à la RAF des opérations de bombardements, sans trop songer aux problèmes intérieurs de la Résistance. Certes, on prévoyait déjà certains plans de sabotage à mettre en oeuvre lors du débarquement. Mais de ce côté-là, on savait que le temps n'était pas encore venu. De l'autre côté, sans se soucier des possibilités, on exigeait beaucoup et immédiatement, sans connaître le calendrier des actions de masse à conduire, mais dans un but grand et noble : lutter contre l'ennemi, pour la libération et aider les alliés dans leur offensive finale. Dans ces conditions, la tâche des officiers d'opérations n'était pas facile. Ils furent injustement critiqués. On les accusait de stocker des armes par plaisir alors qu'ils conservaient le strict minimum pour les actions stratégiques portant des coups redoutables à l'ennemi.
En responsables, ils remplirent leur mission avec conscience, sans se soucier de quelques bavardages démagogiques et peu raisonnés. Il est bon que cela soit nettement affirmé.
Après l'arrestation de Jean Moulin, les Délégués Militaires Régionaux (DMR) progressivement mis en place dans chaque région à partir de la fin de l'été 1943, avaient la responsabilité de la répartition des armes. Bien que les conditions puissent être différentes dans chaque région, souvent ils déléguaient leurs pouvoirs aux chefs OPS. Il faut préciser que l'Armée Secrète s'était structurée et disposait de cadres affirmés, notamment à l'échelon régional. Les différents plans d'action étudiés et leur exécution prévue, il restait à établir les moyens matériels nécessaires et leur répartition géographique.
Les trois responsables régionaux, DMR, chef AS et chef OPS, pouvaient se réunir pour étudier ensemble les problèmes de répartition. La solution souvent adoptée consistait à remettre aux responsables départementaux AS puis FFI les armes réceptionnées dans leur département. Ils en prenaient possession pour le compte du chef régional à qui le chef OPS communiquait le double des inventaires si nécessaire.
Il est évident que des initiatives commandées par l'urgence d'une situation, ou pour appuyer des éléments très actifs, pouvaient être prises par les différents échelons. Les mois passant, le nombre des opérations augmentait pour éclater d'avril à août 1944, les Américains venant seconder l'effort des Britanniques.
Deux membres du comité de réception détachant le parachute du container.
On voit très bien le système d’attache à la sortie à bombes du bombardier.